Sois toi-même !
Toi-même ?
Ah, moi-même !
Mais, non, ça, j'ne veux pas !
Moi-même, et puis quoi encore ?
Je suis indolent·e, pusillanime et égotiste.
En plus chiant·e et bavard·e.
C’est simple, quand je suis avec moi-même, je m’ennuie, j'peux pas me supporter.
Alors, je'vois pas comment, en étant plus moi-même, je pourrais être mieux Moi.
Sortir de la boite ?
Mais j’suis même pas dedans !
Et il faudrait que j’en sorte !
Alors qu’est-ce que je peux faire ?
Ch’ai pas quoi faire, je m’ennuie.
J’ai demandé à d’autre qui c’était moi.
Personne ne m’a répondu.
Je veux dire qu’ils se sont décrits, eux.
De moi, rien, je veux dire j’ai rien appris.
Bah, t’es toi quoi ! C’te question !
Ah bon, que je me taise.
Bref, je passe mon temps à essayer d’être ce qu’ils voudraient que je sois,
un peu pour faire plaisir, beaucoup pour être tranquille, plus à l’aise.
Que je change de coiffure, de sape, de smartphone, ou de voiture, personne ne sait ce qui a changé :
Hé, t’as grossi, t’es malade ?
t’es pas comme d’habitude !
Ah bon, je suis comment d’habitude ?
Tu sais bien quoi, c h i a n t · e.
Non, voyons, c’est pour rire.
Je sens que j’ai la nausée, j’ai mal à l’identité.
C’est grave ?
Ça dépend. Tu te sens seul·e ?
Non, euh, oui, en fait.
Pas vraiment seul·e, différent·e surtout.
De quoi, de qui, c’est quoi les différences ?
Je ne sais pas, c’est juste que je le ressens
comme ça et que, des fois j’en suis malade.
Je voudrais rentrer dans la boite !
On t’en empêche ?
Oui, tout le monde. Enfin personne, vraiment.
C’est juste qu’à un moment “ils” sont ensemble
et moi, je reste près d’une fenêtre et, si je regarde dehors,
j’ai la nostalgie d’une chose trop vague pour que je sache ce que c’est,
si je regarde ver l’intérieur, je vois que je suis un peu à part.
J’ai mille et trois identités à l’intérieur de moi que je ne sais laquelle tenir assez longtemps
sans que je m'embrouille dans tous ces moi-mêmes de moi.
Tous un peu comme moi, tous un peu différents sans que je décèle ce qui les différencie,
je veux dire, véritablement.
Peut-être, l’identité, c’est ce qu’on fait.
En créant quelque chose, on se révèle.
Je fais ce que je fais parce que je ne sais
pas me comprendre.
Je sais, ou je crois savoir qui je suis, mais je ne me comprends pas.
Alors demander à d’autres !
Faire quelque chose alors que
je suis indolent·e, pusillanime et égotiste.
En plus chiant·e et bavard·e.
Je sens que c’est mal parti.
**Courir avec les louves ?
Rugir avec les lions ?
Rire avec les hyènes ?
Fleurir avec les roses ?
Nager avec les dauphins ?
Regarder la télévision*
Haïku :
Pica ! Dong !
L’éclair et l’explosion,
Rien qu’une ombre si longue
sur un mur grisâtre.
Oh t'accules, mais grave !
La vie est un flash.
(Crédit dessin : Archives départementales de l'Hérault - La bête du Gévaudan)