" /> Lamiel converse. - Côteaux de la Boivre

Côteaux de la Boivre

Chroniques des Marches

Lamiel converse.

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Dans un monde où la dominance masculine parait être de nature, les femmes n'ont de cesse de se protéger.

Et leur défense, presque la seule, c'est de parler assez pour empêcher que la violence virile ne les blesse.

Aussi, les femmes incarnent-elles le Verbe. Au commencement était le Verbe par ces mots Jean de Patmos entame son évangile, et le Verbe de l’Homme, c'est le dit des femmes.

Le sait-on ? au Japon, les femmes tenues à l'écart du savoir avaient développé leur propre langage avec son écriture bien plus simple que les idéogrammes polysémiques de la langue traditionnelle du pouvoir et des hommes qui s'en servaient pour leur domination. Hiragana, le syllabaire ingénieux des princesses nippones.

Au début de l'ère Meiji, à a fin du XIXe siècle, le début de l'⁣ouverture⁣, de la conquête du monde, la complexité de l'altérité submergeait l'empire féodal et guerrier qui n'a eu d'autres ressources pour assimiler les savoirs des autres peuples que d'user, de plus en plus, de cette écriture apparemment si simple, mais suffisamment abstraite et malléable pour écrire les différences les plus subtiles et les intégrer peu à peu dans cet incroyable syncrétisme qu'est la culture japonaise actuellement.

Il fallait des moines, vrais eunuques, pour les approcher d'assez prêt afin de se saisir des 46 signes qui, vocalisés, découvraient leur mystère à elles, ces discrètes maitresses du pouvoir maternel. Mères, elles n'étaient que par ça.

Il y a bien un mystère féminin, cette capacité de jouir infiniment qu'on suppute.

Comme on ne sait pas et qu'on ne lit pas les rares descriptions qu'on en a données, on invente des bizarreries dont la moindre n'est pas cette fureur hystérique de sexe insatiable

Et en effet, on ne peut satisfaire Messaline, la figure obscène de l'amour, dont l'inflammation douloureuse qui lui a durci le vagin l'oblige à cesser les coïts avant qu'elle n'ait pu se repaître des plaisirs charnels.

Mais qui écoutait les mots de cette femme ombrageuse ? Nul ne s'intéressait à ce qu'elle pensait. Sans doute, on craignait ses colères d'insatisfaite.

Mais elles ont déconstruit leur essence qu'on croyait pourtant si naturelle. Elles ont éventé le poids du culturel qu'elle supporte. Elles ont déposé les coutumes. C'est fini, Antigone n'imposera plus les rituels familiaux contre le Droit.

Il n'y a plus que les plus réactionnaires des conservateurs pour se réclamer d'un fantasmatique droit naturel contre le droit objectif. Mais ils ne peuvent rien si les femmes n'en sont plus les dépositaires obligées.

Elles ont cessé d'être ces vestales qui sacrifiaient leur corps pour le bien commun. Elles sont activement subjectives.

Et posent désormais, chacune, les dispositions d'un contrat qui est le leur. Le droit subjectif qu'elles ont sur leur corps même et qu'elles ne cèdent pas malgré les atermoiements.

La subjectivité se parle, s'écrit, et la jouissance d'une subjective accomplie, ce sont les plaisirs des métaphores. Ne dit-on pas qu'on les file ces figures de style, ces analogies in presencia, in absentia. Le filage, quoi de plus féminin ? Cette manière de jouissance, l'extase de s'accomplir par les pensées, ce plus-de-jouir spécifiquement féminin est pourtant accessible aux hommes. Du moins, à quelques-uns d'entre eux.

Jean dit de la Croix mystique extasié en fut de ce peu d'eux. Et Stendhal, fin descripteur de ce symptôme, l'évanouissement par excès d'esthétique, avait écrit pour un personnage féminin, Lamiel, du roman éponyme, qu'elle aimait mieux les plaisirs de la conversation plutôt que ceux de l'amour.

Il était si proche, M. Beyle du mystérieux, qui hante les femmes elles-mêmes.